La révision annuelle du loyer

13 oct. 2025

3 minutes

Chaque bailleur sait à quel point le loyer est le cœur battant d’un investissement locatif. C’est lui qui assure la rentabilité, rembourse le crédit immobilier et alimente le cash-flow mensuel. Pourtant, beaucoup de propriétaires oublient ou appliquent mal une étape essentielle : la révision annuelle du loyer. Encadrée par la loi, cette révision permet d’ajuster le montant du loyer à l’évolution du coût de la vie, grâce à un indice officiel publié par l’INSEE : l’Indice de Référence des Loyers (IRL).

Son but est simple — maintenir un équilibre économique entre bailleur et locataire. Pour le propriétaire, c’est un moyen de préserver la rentabilité réelle de son bien face à l’inflation. Pour le locataire, c’est la garantie d’une hausse encadrée et prévisible.

Mais attention : la révision du loyer ne s’improvise pas. Elle obéit à des règles précises, à un cadre juridique strict, et nécessite une communication claire avec le locataire. Un oubli, une erreur de calcul ou une notification tardive peuvent faire perdre plusieurs centaines d’euros par an.

Le cadre légal et les fondamentaux de la révision du loyer

La clause de révision : la condition indispensable

La révision annuelle du loyer n’est pas automatique. Elle n’est possible que si le contrat de location contient une clause de révision (ou d’indexation). Cette clause fixe trois éléments essentiels :

  • La périodicité de la révision, généralement annuelle.

  • La date de référence à laquelle elle s’applique.

  • L’indice de référence choisi pour le calcul (généralement l’IRL publié par l’INSEE).

Sans cette clause, aucune révision n’est légalement applicable — même si les indices augmentent. C’est pourquoi il est crucial de vérifier sa présence dès la signature du bail.

Conseil pratique : utilisez le modèle de bail conforme à la loi ALUR, qui inclut déjà la clause de révision selon l’IRL.

L’Indice de Référence des Loyers (IRL) : le pilier de la revalorisation

L’IRL est l’indice officiel de référence pour la révision des loyers d’habitation. Publié chaque trimestre par l’INSEE, il reflète l’évolution des prix à la consommation (hors loyers et tabac). Concrètement, il permet de compenser l’inflation tout en évitant des hausses abusives.

Exemple :

  • IRL T3 2024 : 143,00

  • IRL T3 2023 : 138,61

  • Variation : +3,17 %

Un loyer de 1 000 € pourra ainsi être révisé à environ 1 031,70 €. Vérifiez toujours l’indice de référence indiqué dans le bail. C’est celui du trimestre mentionné, et non celui de la date de révision, qui sert de base au calcul.

Les autres indices à connaître

Même si l’IRL est la référence pour les logements à usage d’habitation principale, d’autres indices existent pour d’autres types de baux :

Chaque type de contrat de location doit préciser l’indice applicable — il n’est pas possible d’en changer en cours de bail sans accord des parties.

Encadrement et plafonnement des loyers : les limites légales

La révision du loyer est strictement encadrée dans les zones dites tendues, c’est-à-dire les grandes agglomérations où la demande locative dépasse largement l’offre disponible. Dans ces secteurs, le bailleur doit respecter plusieurs limites : il ne peut pas dépasser le plafond de loyer fixé par décret, ni appliquer une hausse supérieure à la variation de l’Indice de Référence des Loyers (IRL).

Depuis 2022, un plafond temporaire de 3,5 % a également été mis en place pour contenir les hausses excessives en période d’inflation élevée.

Les logements classés F ou G au Diagnostic de Performance Énergétique (DPE) sont désormais soumis à un gel des loyers, interdisant toute revalorisation tant qu’aucune rénovation énergétique n’a été entreprise.

Maîtriser le calcul de la révision annuelle du loyer : méthode et exemples

La formule officielle à connaître

Le calcul de la révision du loyer repose sur une formule simple mais qu’il faut appliquer avec rigueur :

Nouveau loyer = Loyer actuel × (IRL nouveau / IRL ancien)

Le “loyer actuel” correspond au montant hors charges en vigueur avant la révision. L’IRL “nouveau” est celui du trimestre de référence le plus récent publié à la date de révision, et l’IRL “ancien” correspond à celui du même trimestre un an auparavant.

Exemple : Si le bail prévoit une révision chaque 1er octobre en se basant sur l’IRL du 2ᵉ trimestre, il faut comparer l’IRL du 2ᵉ trimestre 2025 à celui du 2ᵉ trimestre 2024.

Identifier les bons indices IRL

Les valeurs de l’IRL sont disponibles sur le site officiel de l’INSEE ou sur des plateformes spécialisées de gestion locative.
Chaque trimestre, l’INSEE publie un nouvel indice :

  • T1 (janvier à mars),

  • T2 (avril à juin),

  • T3 (juillet à septembre),

  • T4 (octobre à décembre).

Le bail précise toujours quel trimestre sert de référence. C’est un point capital, car se tromper d’indice fausse complètement le calcul. Conservez le bail et les anciennes valeurs d’IRL dans un tableau de suivi (Excel ou logiciel de gestion) pour éviter toute erreur ou contestation du locataire.

Exemple concret de révision annuelle

Prenons un cas simple :

  • Loyer actuel (hors charges) : 800 €

  • IRL du 3ᵉ trimestre 2024 : 143,00

  • IRL du 3ᵉ trimestre 2023 : 138,61

Application de la formule : 800 × (143,00 / 138,61) = 825,5 €

Le nouveau montant du loyer s’élèvera donc à 825,50 € par mois, soit une augmentation de 25,50 €. Le nouveau montant s’applique à compter de la date prévue dans le bail, et non rétroactivement.

Les outils pratiques pour simplifier le calcul

Si vous gérez plusieurs biens, la révision manuelle du loyer peut rapidement devenir fastidieuse. Heureusement, plusieurs outils permettent aujourd’hui d’automatiser le processus et de fiabiliser vos calculs. Le simulateur officiel disponible sur service-public.fr calcule instantanément le nouveau montant du loyer en fonction du dernier indice IRL publié.

Automatiser la révision de loyer, c’est gagner du temps, réduire les erreurs et surtout sécuriser durablement la rentabilité de votre investissement locatif.

Cas particuliers et exceptions à la révision du loyer

Le gel des loyers pour les passoires thermiques

Depuis le 1er août 2022, la loi Climat et Résilience interdit toute augmentation de loyer — qu’il s’agisse d’une révision de loyer annuelle ou d’une relocation — pour les logements classés F ou G au DPE (diagnostic de performance énergétique). Autrement dit, si votre bien est une passoire thermique, vous ne pouvez ni réviser le loyer, ni l’augmenter entre deux locataires, tant qu’aucune amélioration énergétique n’a été réalisée.

Pour débloquer cette situation, il faut réaliser des travaux de rénovation énergétique permettant d’obtenir une meilleure classe DPE (au minimum E) puis transmettre le nouveau DPE au locataire. Au-delà de la contrainte légale, ces travaux augmentent aussi la valeur de votre bien et sa rentabilité à long terme.

La réévaluation du loyer après des travaux d’amélioration

Certains travaux peuvent donner lieu à une hausse exceptionnelle du loyer, indépendante de la révision annuelle habituelle. C’est notamment le cas lorsqu’ils apportent une réelle amélioration du confort — comme l’installation d’un ascenseur, la rénovation complète d’une cuisine ou d’une salle de bain, ou encore une meilleure isolation thermique — ou lorsqu’ils permettent de réduire significativement les charges du locataire.

Cette revalorisation reste néanmoins strictement encadrée par la loi (article 17-1 de la loi du 6 juillet 1989). Elle doit être prévue par une clause spécifique dans le bail ou faire l’objet d’un accord écrit avec le locataire, et surtout, être justifiée et proportionnée au coût et à l’impact des travaux réalisés.

Conservez soigneusement tous les éléments justificatifs — devis, factures, photos avant/après — pour pouvoir prouver la légitimité de l’augmentation auprès du locataire ou, en cas de litige, devant la commission de conciliation.

Le loyer manifestement sous-évalué : la révision au renouvellement du bail

Lorsqu’un loyer devient manifestement inférieur aux prix du marché, le bailleur peut en demander la réévaluation au moment du renouvellement du bail. Cette démarche obéit toutefois à un cadre très précis. Le propriétaire doit informer le locataire au moins six mois avant la fin du bail et justifier sa demande à l’aide de loyers de référence issus de logements comparables situés dans le même secteur.

La hausse ne peut pas être appliquée librement : elle est plafonnée à la moitié de la différence entre le loyer actuel et le loyer de marché. Par exemple, si le loyer est fixé à 700 € et que les logements équivalents se louent autour de 800 €, l’augmentation maximale autorisée sera de 50 € par an, jusqu’à atteindre le plafond défini.

Cette réévaluation du loyer n’est jamais automatique. Si le locataire conteste la proposition, le bailleur peut saisir la Commission Départementale de Conciliation (CDC) pour tenter d’obtenir un accord amiable avant toute procédure judiciaire.La notification au locataire : forme et délais à respecter

La notification au locataire : forme et délais à respecter

Quand notifier la révision du loyer ?

Le moment de la notification est capital. La révision de loyer annuelle ne peut s’appliquer qu’à la date prévue dans le bail, souvent la date anniversaire de sa signature.

Si le bail a été signé le 1er octobre, la révision du loyer pourra être appliquée chaque année à partir du 1er octobre, en se basant sur l’indice de référence (IRL) du trimestre indiqué dans le contrat. Si le propriétaire oublie de notifier la révision à cette date, il dispose d’un délai d’un an pour le faire. Passé ce délai, le droit à la révision est perdu pour l’année écoulée (article 17-1 de la loi du 6 juillet 1989).

Comment notifier le locataire de l’augmentation ?

La loi n’impose pas de forme spécifique, mais il est fortement recommandé d’utiliser un écrit pour des raisons de preuve. Vous pouvez envoyer un courrier simple ou recommandé, un e-mail formel (avec trace écrite de l’envoi et de la réception), ou passer par une plateforme de gestion locative qui automatise la notification et le calcul. Votre courrier doit comporter les éléments suivants : le montant actuel du loyer, l’indice IRL utilisé et sa valeur, le nouveau loyer calculé, la date d’application de la révision, et la référence au bail (clause de révision).

Exemple de formule simple :

Conformément à la clause de révision prévue au bail signé le 1er octobre 2022, le loyer est révisé à compter du 1er octobre 2025 sur la base de l’IRL du 2ᵉ trimestre 2025 publié par l’INSEE (indice 143,00 contre 138,61 un an plus tôt).

Le montant du loyer passe ainsi de 800 € à 825,50 € à compter du 1er octobre 2025.

Les conséquences d’une révision non effectuée

Beaucoup de bailleurs l’ignorent : la révision annuelle du loyer n’est jamais rétroactive. Concrètement, si vous oubliez de notifier la révision à la date prévue, vous ne pouvez pas réclamer les arriérés des mois écoulés ; la hausse ne s’appliquera qu’à compter de la date de notification effective.

Par exemple, si la révision devait prendre effet le 1er octobre 2024 mais que vous l’annoncez seulement le 1er février 2025, le nouveau loyer ne sera valable qu’à partir du 1er février 2025.

Pour éviter toute perte de revenus, programmez un rappel automatique environ un mois avant la date d’échéance prévue dans le bail.Gérer les désaccords et entretenir une bonne relation locative

Gérer les désaccords et entretenir une bonne relation locative

Les erreurs courantes du bailleur à éviter

La révision du loyer, bien que légale et encadrée, peut parfois créer des tensions inutiles avec le locataire — souvent à cause de maladresses administratives ou d’un manque de communication.

Voici les erreurs les plus fréquentes :

  • Oublier d’indiquer la clause de révision dans le bail : sans cette clause, aucune augmentation ne peut être appliquée, même si l’IRL évolue.

  • Utiliser un indice IRL erroné : confondre les trimestres ou les années conduit à un calcul inexact, facilement contestable.

  • Appliquer la révision rétroactivement : strictement interdit, cela expose le bailleur à un remboursement des trop-perçus.

  • Ne pas expliquer le calcul : un locataire mal informé peut percevoir la révision comme arbitraire.

Accompagnez toujours la notification d’une explication claire et pédagogique. Cela renforce la transparence et la confiance.

Que faire en cas de litige avec le locataire ?

Si le locataire conteste la hausse, la première étape consiste à favoriser le dialogue.
Souvent, un simple échange suffit à clarifier le calcul ou à lever un malentendu.

Si le désaccord persiste :

  1. Tentez une médiation amiable : contactez la Commission Départementale de Conciliation (CDC). Gratuite et rapide, elle permet de résoudre la majorité des litiges locatifs.

  2. Conservez toutes les preuves (bail, courriers, indices IRL, échanges écrits).

  3. En dernier recours, saisissez le tribunal judiciaire du lieu du logement.

Une révision appliquée sans base légale (mauvais indice, absence de clause, dépassement du plafond d’encadrement des loyers) peut être annulée par le juge.

L’approche gagnant-gagnant : transparence et anticipation

La clé d’une gestion locative sereine repose sur une communication fluide et une anticipation partagée. Le locataire apprécie la stabilité et la prévisibilité : une hausse expliquée, justifiée par l’IRL et annoncée à l’avance, passe toujours mieux qu’une notification sèche. De votre côté, vous sécurisez vos revenus tout en préservant une relation durable.

La gestion locative n’est pas qu’une question de chiffres — c’est une relation de confiance à entretenir. Un locataire satisfait paiera plus volontiers, prendra soin du logement et restera plus longtemps, ce qui améliore votre rentabilité locative sur le long terme.

Tendances et perspectives futures de la révision des loyers

Une législation en constante évolution

Le cadre de la révision des loyers n’est pas figé : il évolue régulièrement pour s’adapter aux enjeux économiques, sociaux et environnementaux.
Ces dernières années, plusieurs réformes ont profondément modifié les règles du jeu :

  • Encadrement des loyers dans les grandes métropoles (Paris, Lille, Lyon, Bordeaux, Montpellier…), limitant les hausses au loyer de référence majoré.

  • Gel des loyers pour les logements mal isolés (étiquettes F et G), mesure appelée à s’étendre à d’autres classes énergétiques dans les prochaines années.

  • Plafonnement temporaire de l’IRL par le gouvernement, pour contenir l’impact de l’inflation sur les locataires.

L’État cherche de plus en plus à concilier protection du pouvoir d’achat des locataires et maintien de l’investissement locatif, un équilibre délicat qui continuera d’évoluer.

L’avenir de l’IRL face à l’inflation et à la transition énergétique

L’Indice de Référence des Loyers (IRL) reste l’outil central de calcul, mais son rôle pourrait être repensé. Dans un contexte d’inflation persistante et de transition énergétique, plusieurs pistes sont à l’étude : adapter l’IRL à des critères régionaux ou énergétiques, créer un “IRL vert” intégrant la performance énergétique du logement comme facteur de modulation, et stabiliser la variation annuelle de l’IRL pour protéger les ménages sans décourager les bailleurs.

La digitalisation de la gestion locative : une révolution silencieuse

La gestion des loyers et leur révision se digitalise à grande vitesse.
De nombreux outils permettent déjà de calculer automatiquement la révision IRL, de notifier le locataire par e-mail sécurisé, et de générer les quittances sans erreur ni oubli. Cette automatisation réduit les risques d’erreurs et simplifie la conformité légale.

Les plateformes de gestion locative en ligne et les logiciels propriétaires intègrent désormais la révision annuelle comme une tâche automatique, évitant les oublis et garantissant la transparence.

Conclusion : une révision sereine pour une gestion locative pérenne

La révision annuelle du loyer n’est pas un simple ajustement administratif : c’est un levier essentiel de la rentabilité locative et un marqueur de bonne gestion patrimoniale. Bien appliquée, elle permet au propriétaire de préserver la valeur réelle de son investissement immobilier face à l’inflation, tout en maintenant un équilibre équitable avec le locataire.

Pour cela, trois piliers doivent guider votre pratique :

  • La rigueur juridique : s’appuyer sur un bail bien rédigé, une clause claire et un indice IRL à jour.

  • La transparence et la communication : informer le locataire avec pédagogie pour éviter toute incompréhension.

  • L’anticipation et la méthode : planifier la révision à date fixe, vérifier les plafonnements éventuels et consigner chaque modification par écrit.

Loin d’être une contrainte, cette démarche régulière devient un réflexe de gestion saine : elle garantit la stabilité de vos revenus, protège votre trésorerie et valorise durablement votre bien immobilier.